Edito – Photoreporter, ce métier de rêve.

« Kevin Carter n’a pas d’éthique ! » , « Kevin Carter est un prédateur ! » , « Kevin Carter n’est qu’un vautour de plus sur les lieux ! ». Voici plusieurs exemples de ce qu’on pouvait lire ou entendre en 1993 suite à la parution de sa célèbre photo « La fillette et le vautour » dans le New York Times, qui lui a permis de remporter le prix Pulitzer un an plus tard ainsi qu’encore plus de critiques.

En effet, lorsque le photoreporter sud-africain, Kevin Carter, s’est arrêté quelques instants devant cet enfant affaibli par la famine et guetté par un vautour, c’était bien pour immortaliser ce moment et non pour lui porter secours. Donc, Kevin Carter n’a pas d’éthique. Mais est-ce vraiment la conclusion la plus logique ?

Le photographe n’en est pas à son premier choc lorsqu’il aperçoit la petite fille dans l’actuel Soudan du Sud. Face à cette scène, son premier réflexe fut de regarder à travers son objectif, ou plutôt de se réfugier face à la cruauté de cette scène. Car l’appareil photo est pour lui un refuge, il dira lui-même dans une interview : « Bouleversé, je me retranchai une fois de plus derrière la mécanique de mon travail ». Prendre des photos est pour lui un exutoire devant de telles scènes. Après son cliché, Carter est touché, profondément atteint par ce qu’il vient de vivre, son collègue et ami, Joao Silva dira lui-même : « Il était clairement désemparé. […] Sans aucun doute, Kevin a été très affecté par ce qu’il avait photographié ». Donc, non Carter n’est pas un prédateur, un vautour près a tout, exempt d’émotions.

Mais pourquoi faire ce métier si riche en émotions s’il n’est pas en quête de gloire ?

Kevin Carter, comme tous les photoreporter, a la lourde tâche d’informer le monde sur les crises humanitaires, militaires, politiques qui se déroulent sans que le grand public ne le sache.

« Face à l’oppression, aux exactions, rien n’est pire que l’absence d’enquête et de témoignages. Contre l’atrocité, mieux vaut donc n’importe quelle image que pas d’image du tout. » -Edgar Roskis.

Carter se devait de prendre cette photo, il se devait d’attendre qu’un vautour se pose et qu’il déploie ses ailes, il se devait d’attendre tous les éléments pour que sa photo soit la photo qui illustre le mieux la situation de crise qui se déroulait dans le Soudan du sud, tout comme le ou la photographe se devait de prendre en photo ce jeune Chinois face aux tanks sur la place Tian-An-Men pour alerter de la situation en Chine ou encore les journalistes se devaient de photographier Omayra Sanchez, la jeune colombienne emprisonnée par une coulée de boue suite à l’éruption d’un volcan.

Les photoreporter ne sont pas des paparazzis, ils ne sont pas des chasseurs d’images du buzz. Les photoreporter, eux, cherchent CETTE image qui ouvrira les yeux du monde. Ce sont finalement nos meilleurs informateurs sur ce que l’on ne nous montre pas ou sur ce que l’on ne peut pas voir. À défaut de les critiquer, remercions les de nous montrer la face cachée de notre planète. 

Sacha Hapka.

Photo reporter

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